La Suisse face à Trump : le bluff plutôt que la sagesse

Après la décision catastrophique des États-Unis sur les tarifs, il faut du chaos créatif plutôt que la correction helvétique.

De Peter Hossli

Paradoxe : La présidente de la Confédération Karin Keller-Sutter a négocié avec le président américain Donald Trump de manière rationnelle et prévisible. C’est précisément pour cela qu’elle a échoué – et qu’elle a récolté les tarifs les plus élevés d’Europe.

La diplomatie classique ne fonctionne pas avec Trump. Son monde est un chaos créatif. Il est imprévisible, dit une chose aujourd’hui, l’inverse demain.

Trump est un magnat de l’immobilier new-yorkais. Il n’a pas besoin d’arguments solides, mais de victoires spectaculaires dont il peut se vanter. Que ces victoires soient ancrées dans la réalité lui importe peu.

Quiconque veut négocier avec lui doit le comprendre – et agir en conséquence.

La Suisse ne l’a pas compris, d’autres si. La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a promis que l’UE achèterait, dans les trois prochaines années, de l’énergie américaine pour une valeur de 750 milliards de dollars. Une promesse irréaliste, mais Trump a pu l’annoncer aux américains. Résultat : il a sauvé la face. Et l’UE a obtenu un accord acceptable.

La Suisse doit cesser d’être sage et correcte. Au lieu d’une politique sobre et technique, il faut des offres qui permettent à Trump de se montrer fort : des chiffres énormes, des promesses spectaculaires qui, au final, ne coûtent pas grand-chose à la Suisse.

Pourquoi ne pas réduire à zéro les droits de douane grotesques de 1 000 % sur certains produits agricoles? Pour Trump, ce serait un «succès phénoménal». Ou promettre l’achat non pas de 36, mais de 100 avions F-35. Que la population suisse va devoir voter sur ces sujets, nous le savons ; lui, cela ne l’intéresse pas. Il veut des gros titres, pas des astérisques.

Enfin, la Suisse pourrait laisser la FIFA s’installer là où elle est déjà présente – à Miami, en Floride.

Bien sûr, cette tactique demande du culot, un peu de bluff, voire quelques mensonges charmants. Mais quiconque continue à négocier correctement avec Trump continuera à perdre correctement. Il n’aime ni les bureaucrates tatillons ni les élèves modèles.

Qui veut se débarrasser des droits de douane doit jouer selon les règles de Trump. Dans son univers chaotique et créatif, ce n’est pas le plus honnête qui gagne, mais le négociateur le plus rusé.