De Peter Hossli (texte) et Nathalie Taiana (photo)
Liz Voss est pressée. Les places au United Center sont rares et elle en veut une bonne. Jeudi, Bill Clinton a pris la parole à la convention du parti démocrate à Chicago. L’ex-président lui a jadis fait découvrir la magie de la politique.
C’est depuis Bâle, où elle vit depuis neuf ans avec sa famille, que Liz Voss a fait le voyage jusqu’à Chicago. «Pour moi, c’est un grand honneur d’être ici.» Elle est la première personne vivant en Suisse à représenter les «démocrates de l’étranger» à une convention du parti en tant que déléguée. Elle dirige le bureau bâlois de l’association et aide les Américains en Suisse à s’inscrire pour l’élection.
Une tâche exigeante. Certes, les Américains vivant à l’étranger sont imposables aux Etats-Unis, mais il n’existe pas de registre central des électeurs. Ceux qui veulent voter doivent se débrouiller seuls.
Liz Voss les aide. Elle les guide patiemment à travers le processus électoral, leur montre comment demander des bulletins de vote, où les renvoyer. Et ce, aux personnes de toutes les couleurs politiques. «Ils n’ont pas besoin d’être démocrates, mais cela me rend heureuse quand ils le sont.»
Liz Voss est née à Huntsville, au Texas, une ville autrefois tristement célèbre pour ses exécutions sur la chaise électrique. Elle a passé son enfance dans un trou perdu de 400 habitants. Elle a déménagé dans l’Illinois et s’est mariée. Lorsque son mari a obtenu un poste dans une entreprise de logistique à Bâle, le couple s’est installé en Suisse avec leur petite fille.
Elle poursuit sa passion pour la politique à Bâle en tant que présidente des «Démocrates à l’étranger». L’association a des antennes dans 54 pays, il y en a trois en Suisse: responsables pour Bâle, Zurich et la Suisse romande. Ils se retrouvent pour un pique-nique le jour de la fête nationale, regardent ensemble les duels télévisés et passent les nuits électorales dans les pubs.
Environ 19’000 citoyens américains vivent en Suisse, dont 15’000 ont le droit de vote. Il y a neuf millions d’Américains de l’étranger dans le monde, dont six millions et demi peuvent voter. Compte tenu des résultats électoraux souvent serrés – il y a quatre ans, 42’921 voix ont fait la différence, ils ont une influence considérable. Elle est d’autant plus grande lorsqu’ils peuvent voter dans l’un des Swing States convoités.
Liz Voss tente de s’adresser directement à eux – et de se mettre au diapason de Kamala Harris. Ici à Chicago, elle porte un t-shirt politiquement neutre qui fait la promotion de votefromabroad.org, un site web qui fournit des informations aux électeurs à l’étranger. «J’essaie de mettre de côté mes propres convictions politiques lorsque j’aide quelqu’un à s’inscrire pour voter», assure-t-elle. Car «il est important de voter, peu importe qui on coche sur le bulletin de vote».
Au cours des prochaines semaines, elle organisera des manifestations dans toute la Suisse pour l’inscription des électeurs. A Bâle et à Genève, elle fait passer de la publicité dans les trams et les bus, et à Zurich, elle fait poser des affiches.
Lorsqu’elle organise un événement réservé aux démocrates, elle porte un t-shirt faisant la promotion de Kamala Harris. Selon Liz Voss, la vice-présidente est une «femme sûre d’elle». Et elle partage ses convictions: les droits reproductifs des femmes, l’accès aux soins médicaux, la crise climatique et surtout des lois plus strictes sur les armes. «J’ai cinq neveux et une nièce aux Etats-Unis, et cela me brise le cœur qu’ils ne soient pas aussi en sécurité dans leurs écoles que ma fille dans la sienne en Suisse.»
Sa fille est arrivée à Bâle à l’âge de trois ans. «Aujourd’hui, elle parle parfaitement le suisse-allemand, assure Liz Voss. Et elle critique constamment ma prononciation.» Sa famille apprécie beaucoup la Suisse, la sécurité de pouvoir tout faire à pied. Il faudrait juste qu’elle soit un peu plus aimable. «Si je dis ‘Grüezi’ ou ‘Guten Morgen’ à quelqu’un dans la rue, beaucoup ne réagissent tout simplement pas.» Est-ce que quelque chose des États-Unis lui manque à Bâle? «La nourriture mexicaine», répond la Texane.
Bill Clinton lui a révélé la magie de la politique. C’est l’attaque terroriste du 11 septembre 2001 qui l’a politisée. «La façon dont l’administration Bush a géré la situation était très décevante, balance Liz Voss. C’est pourquoi je suis allée voter quand j’en ai eu l’âge.»