Bill Clinton a volé la vedette à Tim Walz, le colistier de Kamala Harris

Une atmosphère hollywoodienne planait sur la troisième soirée de la convention démocrate à Chicago: John Legend, Stevie Wonder et Oprah Winfrey ont amusé la galerie, tandis Bill Clinton a montré qu'il restait un fantastique orateur. Aux dépens d'un certain Tim Walz.

De Peter Hossli (texte) et Nathalie Taiana (photo)

C’est sur les notes du morceau de rock «Don’t Stop» que Bill Clinton a quitté la scène de la convention démocrate la nuit dernière. Et tout est dans le symbole: puisque c’est cet hymne de Fleetwood Mac qui avait porté le démocrate à la Maison Blanche lors de la campagne électorale de 1992.

Ce morceau est ainsi venu offrir un moment de nostalgie, au terme de ce qui a probablement été le meilleur discours – rhétoriquement parlant – prononcé depuis le début de la convention démocrate à Chicago. Alors certes, l’ancien président a pris de l’âge, comme en témoignent sa voix rauque et ses quelques moments de fatigue. Mais la flamme politique est encore bien là. Car si Barack Obama prêche parfois avec peu de substance, Bill Clinton, lui, raconte des histoires aussi touchantes que pertinentes. L’écouter fut donc un véritable plaisir. Mais qu’a-t-il dit concrètement?

Bill Clinton a d’abord félicité le président Joe Biden pour son retrait de la course à la présidence, sans pour autant l’humilier comme d’autres ont pu le faire lors de cette convention. En lieu et place, il l’a comparé au premier président américain George Washington, qui s’était volontairement retiré après deux mandats.

Le silence pour entendre les mots

L’ancien président n’a en outre pas cherché à être applaudi toutes les deux phrases. Il s’est efforcé de raconter des anecdotes entières. Parfois, la salle était traversée par un intense silence, car les spectateurs ne souhaitaient pas manquer une miette du discours de Clinton. Cette élection, a-t-il dit, est un choix entre «moi» et «vous», entre un homme qui ne dit que «moi, moi, moi, moi» et une femme qui, dès son premier jour à la Maison Blanche, demandera à chacun: «De quoi avez-vous besoin, et vous, et vous, et vous?»

Et au lieu d’énumérer les points forts de Kamala Harris, l’ex-président a préféré aborder le passé de la candidate démocrate en revenant notamment sur l’un de ses jobs d’étudiante… chez McDonald’s. «Quand Kamala entrera à la Maison Blanche en janvier, elle battra mon record de président ayant passé le plus de temps chez McDonald’s», a ainsi plaisanté Clinton, dont l’appétence pour les burgers dégoulinants est connu de toute l’Amérique.

Avec une aisance rhétorique impressionnante, Clinton a poursuivi en assurant que Harris serait la «présidente de la joie pure». «Je veux une Amérique joyeuse et non une rhétorique agressive», a-t-il martelé. Mais l’ancien président se veut prudent: cette élection est loin d’être jouée, même si les démocrates ont actuellement le vent en poupe. «Nous avons déjà perdu des élections», a-t-il déclaré. «Les élections sont une affaire brutale. Vous pouvez être enthousiastes, mais vous ne devez pas sous-estimer l’adversaire.»

Espoir et joie

Et le natif de Hope dans l’Arkansas, de conclure: «J’étais le président de Hope (ndlr: le terme veut également dire «espoir» en français). Maintenant, nous avons besoin de Kamala comme notre présidente de joie.» Une ultime punchline suivie par une sortie triomphale, au son de de Fleetwood Mac.

Bill Clinton s’est exprimé tôt dans la soirée, les organisateurs craignant probablement qu’il ne vole la vedette au principal orateur de la soirée: le candidat à la vice-présidence Tim Walz. Ce dernier est d’ailleurs monté sur scène sous un tonnerre d’applaudissements, la foule brandissant des pancartes sur lesquelles on pouvait lire «Coach Walz». Le gouverneur du Minnesota a d’abord remercié Kamala Harris et les délégués pour sa nomination, qu’il a ensuite acceptée. «C’est l’honneur de ma vie», a-t-il déclaré, avant de poursuivre avec un discours quelque peu étrange.

Le gouverneur du Minnesota s’est ainsi présenté comme un homme simple du Heartland – le cœur de l’Amérique – qui aime aller à la chasse et qui tire mieux que certains républicains. Aucun de ses camarades de classe n’a étudié à la prestigieuse université de Yale, a martelé celui qui n’a pu étudier que grâce à l’obtention d’une bourse militaire. Tim Walz a également enseigné, non pas dans une école privée, mais bien dans un collège public. Là-bas, il a même coaché une équipe de football américain, d’où son surnom: «Coach Walz».

Mais après cette entrée en matière conciliante, le démocrate de 60 ans, s’en est pris frontalement à Donald Trump, avant de faire l’éloge de Kamala Harris dans une tirade enflammée, mais avec un langage maîtrisé. Du moins jusqu’à ce qu’il se lance dans des métaphores maladroites sur le football américain.

Les gens quittent la salle pendant le discours de Walz

De quoi lasser certains spectateurs, qui ont quitté les gradins avant même que le candidat à la vice-présidence ait terminé son discours. Bilan de la soirée: Tim Walz – pourtant tête d’affiche –a été grandement éclipsé par Bill Clinton.

En dehors des discours, une atmosphère hollywoodienne a plané sur la troisième soirée de la convention du parti démocrate. John Legend a interprété «Let’s Go Crazy» de Prince, tandis que la légende de la soul Stevie Wonder a bercé le public de ses paroles, mais aussi et surtout de ses chants. L’humoriste du «Saturday Night Live» Kenan Thompson s’est lui moqué des politiques conservateurs, tandis que l’actrice d’origine indienne Mindy Kaling a assuré Kamala Harris – elle aussi d’origine indienne – savait «très bien cuisiner». Enfin, la star de la télévision Oprah Winfrey est revenue un peu longuement sur la devise des démocrates: «Freedom», la liberté.

Durant toute la soirée, les représentants et les partisans du Pari démocrate n’ont cessé de cibler Donald Trump comme s’ils étaient obsédés par le candidat républicain. A une journée de la fin de la convention démocrate, la manière dont le camp Harris entend gagner cette élection semble claire: il ne s’agira ni plus ni moins que d’un référendum sur Trump.

Les parents d’otages à Gaza en appellent à la politique

Sur le plan émotionnel, la soirée a été marquée par l’intervention des parents de Hersh Goldberg-Polin, otage de 23 ans retenu par les terroristes du Hamas depuis le 7 octobre 2023. Une date qui les a fait basculer dans une autre dimension, ont ils déclaré, avant de conclure: «Que notre fils revienne à la maison n’est pas une question politique, mais humanitaire.»

Une fois par mois, les parents de l’otage américain à Gaza rencontrent des politiciens des deux partis à Washington pour parler de sa libération. A Chicago, ils ont expliqué être reconnaissants envers tous ceux les ayant soutenus. «Vous nous permettez de respirer dans un monde sans air. Le dernier mot est revenu à la mère de l’otage: «Hersh, si tu nous entends, nous t’aimons, reste fort. Et reste en vie.»