Katherine Gilmore
De Peter Hossli (texte) und Nathalie Taiana (photos)
Si la vice-présidente Kamala Harris venait à remporter les élections présidentielles américaines à l’automne, elle serait la première femme à diriger le pays le plus puissant du monde, près de 104 ans après avoir accordé, pour la première fois, le droit de vote aux Américaines.
«Kamala va y arriver», scande Katherine Gilmore, conseillère municipale de Philadelphie et déléguée du parti démocrate à la convention de Chicago: «Avec elle, nous avons une chance d’achever la démocratie américaine!»
Kamala Harris a ses chances, notamment grâce à un réseau unique de 2,5 millions d’Afro-Américains. Tout récemment, 44’000 femmes noires de ce réseau se seraient engagées à mobiliser des électeurs pour Kamala Harris et à travailler pour ça dans des centres d’appel.
«Beaucoup de gens ne comprennent pas le pouvoir des universités historiquement noires», explique Katherine Gilmore. Martin Luther King Jr. lui-même s’appuyait déjà sur le même réseau que celui qui soutient Kamala Harris aujourd’hui.
Ce sont surtout les femmes noires qui se montrent les plus enthousiastes. «Plus encore que pour Barack Obama», maintient Katherine Gilmore. «Pour nous, elle ne serait pas seulement la première femme à la Maison Blanche, mais aussi la première femme noire.»
Les Américaines ont obtenu le droit de vote en 1920, peu après l’Allemagne, mais avant la Grande-Bretagne, l’Italie et la Suisse. Cependant, contrairement aux États-Unis, tous ces pays avaient déjà des femmes à la tête de leur gouvernement. Et ce, principalement en raison du système électoral majoritaire en vigueur aux États-Unis; les élections américaines sont des élections de personnes. En règle générale, le titulaire du poste gagne. Comme il n’y a pas de limitation de la durée des mandats pour de nombreux postes, les hommes s’accrochent à leur fauteuil. Pour eux, il est plus facile de récolter les fonds nécessaires.
De son côté, Yvette Martinez dirige le Parti démocrate à San Francisco. Elle connaît Kamala Harris depuis l’époque où elle était procureur général en Californie. «C’est une partisane de la liberté, c’est pourquoi elle est bien accueillie par les femmes», explique l’élue.
L’élection ne se joue pas en Californie, mais dans l’Amérique profonde. «Là-bas, les gens ont les mêmes désirs, les mêmes besoins et les mêmes espoirs que sur la côte. Ils veulent une économie qui tourne autour d’un système de santé pour tous et l’éducation», rappelle Yvette Martinez.
Kamala Harris bénéfice également du soutien de l’électorat féminin pour une autre cause: le droit à l’avortement. «Elles savent que Kamala Harris s’engage pour cela» rappelle Rebecca Marion.
Rebecca Marion et Peter Hossli
Cette dernière a fait le voyage d’Alexander City, dans l’État américain de l’Alabama, à Chicago. Comme beaucoup d’autres à la convention du parti démocrate, cette enseignante s’est mise sur son 31, portant un élégant tailleur-pantalon et un chapeau assorti: «Je me suis battue pour beaucoup de choses en Amérique» explique-t-elle. «Maintenant, le temps est venu pour une femme». Elle aussi pense que «ce n’est que lorsque nous aurons une présidente que nous pourrons parler de démocratie complète en Amérique».
La biographie de Kamala Harris plaide en sa faveur: c’est une travailleuse acharnée. Il est «important qu’une femme de couleur» entre à la Maison-Blanche, explique Rebecca Marion. «Nos ancêtres ont construit l’Amérique, c’est notre droit de participer au gouvernement.»
Rebecca Marion vit en Alabama, un État du sud que le républicain Donald Trump est sur le point de remporter: «Je vais porter le message de Harris dans le pays et travailler pour lui». Comme elle l’avait déjà fait pour Barack Obama, le premier président noir: «Mais Kamala Harris est différente – en tant que femme, je me sens plus proche d’elle».
La manager Jeanne Nelson est originaire de Chicago. Membre de la commission des finances du parti démocrate, elle souhaite voir des personnes compétentes à la Maison-Blanche. «Quelqu’un d’expérimenté qui honore la Constitution et dit la vérité», confie-t-elle. «Il ne s’agit pas seulement d’élire une femme. Harris est compétente, le fait qu’elle soit une femme, une femme noire, est formidable. Les personnes que nous élisons devraient être le reflet de nous tous.»
Sa mère devait demander la permission à son père si elle voulait avoir une carte de crédit. Ses deux filles ont fait de grandes carrières professionnelles. «Le temps passe et il y a des progrès» souligne Jeanne Nelson.
Il y a huit ans, les démocrates désignaient pour la première fois une candidate à la présidence en la personne d’Hillary Clinton. Mais elle a perdu contre Donald Trump, qui se présente désormais contre Kamala Harris. «Il y avait beaucoup de misogynie chez Hillary». En outre, elle a pâti des casseroles de son mari, l’ex-président Bill Clinton. «Kamala Harris a une énergie très différente. Elle est beaucoup plus positive», souligne Jeanne Nelson.
Une autre chose différencie Kamala Harris et Hillary Clinton. Il y a huit ans, celle qui était alors ministre des Affaires étrangères avait déclaré qu’elle voulait écrire l’histoire et devenir la première femme à entrer à la Maison Blanche. Kamala Harris pourrait le devenir, mais elle en parle à peine.