De Peter Hossli
Le perdant des primaires républicaines du «Super Tuesday» n’était paradoxalement même pas en lice mardi: il s’appelle Joe Biden. Et pourtant, il a bel et bien perdu, notamment dans la ville texane d’Eagle Pass, à la frontière américano-mexicaine. Ici, les démocrates ont la majorité depuis des décennies. Il y a quatre ans, Joe Biden obtenait encore nettement plus de voix que Donald Trump.
Mais quelque chose a changé lors de ce «Super Tuesday». Davantage de personnes ont participé aux primaires républicaines. Parce qu’elles veulent voter Trump plutôt que Biden à l’automne. En fait, de nombreux démocrates en ont également marre de l’immigration clandestine. Ces derniers se plaignent d’un chaos à la frontière et rejettent la faute sur «leur» président. Ils pensent en outre que Trump réglera le problème.
Eagle Pass n’est pas le seul endroit où des démocrates sont passés dans le camp républicain pour le «Super Tuesday». Et l’immigration n’est pas le seul sujet à les avoir fait basculer. Les démocrates de gauche se détournent également de Biden à cause de sa politique au Proche-Orient. Les Hispaniques et les femmes notamment se tournent vers Trump parce qu’ils estiment que le Républicain sera capable de relancer l’économie.
Le résultat des quinze primaires républicaines du «Super Tuesday» est, lui, anecdotique. Trump a nettement battu sa dernière concurrente républicaine Nikki Haley – ce qui était prévisible. Pour l’ex-ambassadrice des Etats-Unis à l’ONU, c’est «game over». Ce qui est plus passionnant, c’est ce qu’on peut lire entre les lignes de ces résultats: pourquoi Trump domine-t-il et pourquoi beaucoup d’électeurs démocrates se détournent de Biden?
Une fois de plus, Trump fait preuve d’un instinct politique incomparable. Le rugueux New-Yorkais sait reconnaître ce qui préoccupe les gens. Et c’est l’immigration. Certes, il n’y a pas plus de clandestins qui passent la frontière que pendant son mandat. Certes, le danger n’a pas augmenté. Certes, il n’y a pas d’invasion. Mais les gens sont inquiets. Et leurs craintes sont réelles. Trump le voit et en parle. Les démocrates, en revanche, prennent pour acquis les voix de leurs électeurs.
La situation rappelle celle de 2016, lorsque Trump s’est présenté contre Hillary Clinton. A l’époque, les démocrates de la côte Est et de la côte Ouest n’avaient pas réalisé que les habitants éloignés de New York ou de Los Angeles pensaient non seulement différemment, mais qu’ils participaient également moins à l’essor économique du pays. Pire encore: Clinton les avait désignés comme étant «déplorables». Trump s’était aussitôt adressé à eux – et avec eux, il est devenu président.
La situation est similaire en ce qui concerne l’immigration illégale. Quand Trump en parle, Biden se tait. «Le momentum est chez les républicains», concède la présidente des démocrates d’Eagle Pass, Juanita Martinez. Elle a rencontré Joe Biden en octobre dernier à Philadelphie, et lui a clairement dit qu’il devait s’occuper de la frontière. «Il s’est contenté d’écouter et n’a rien dit», raconte Juanita Martinez.
Il en va autrement pour les républicains. Presque chaque semaine, un gouverneur, un sénateur ou un député se rend en pèlerinage à la frontière du Texas, y donne une conférence de presse et s’adresse aux électeurs. «La stratégie des républicains fonctionne», déclare Jerry Morales, un démocrate d’Eagle Pass.
Cela sonne comme un appel au secours à la Maison Blanche: parlez enfin de ce qui touche les gens. Si les démocrates continuent à se taire, leur prochain président s’appellera sans doute Donald Trump.