A qui profitent les milliards de Harry Potter?

A la veille de la parution du dernier tome des aventures de l’apprenti sorcier, enquête sur les revenus engendrés par la saga. Au final, fin 2010, près d’une cinquantaine de milliards de francs auront été générés.

Von Peter Hossli

Elle a à peine 30 ans. Elle est divorcée. Sans emploi, elle vit de l’aide sociale. Mais Joanne K. Rowling ne veut pas renoncer. Quand sa fille de 2 ans dort, elle travaille à un roman, qu’elle intitulera plus tard Harry Potter and the Philosopher’s Stone.

C’était en 1995. Personne ne pouvait alors imaginer l’importance que prendrait la série relatant les aventures d’un jeune Britannique sur la voie de la magie et de la vie adulte. Douze ans plus tard, Joanne Rowling est milliardaire et l’auteure la plus riche du monde.

Au moins 350 millions de livres en 65 langues ont été vendus jusqu’ici. Seule la Bible et le Petit Livre rouge de Mao ont été vendus à davantage d’exemplaires. Enfants, adolescents et adultes en sont avides. Le 21 juillet paraîtra le septième et dernier tome de cette saga fantastique. Douze millions d’exemplaires sont tirés pour les seuls Etats-Unis.

Une occasion de faire le point sur les revenus engendrés par cette folle histoire. «Harry Potter est sans doute le produit de divertissement le plus lucratif jamais créé», révèle Jon Garon, doyen de la Faculté de droit de la Hamline University et spécialiste des droits d’auteurs.

Joanne Rowling aurait à elle seule engrangé plus de 1,8 milliard de francs. En Angleterre, où vit et où est imposée l’auteure, l’aide sociale et l’assurance chômage sont depuis longtemps remboursées. «Joanne Rowling profitera des licences Harry Potter jusqu’à la fin de sa vie», indique Jon Garon. Mais elle n’est de loin pas la seule à profiter de sa créativité.

Son agent, les studios de cinéma de la Warner Brothers, les propriétaires de salles obscures, les libraires du monde entier, les maisons d’édition, les fabricants de merchandising, les metteurs en scène et les acteurs se partagent le pactole avec elle, comme le montrent les chiffres de sources diverses et les estimations propres additionnées ci-après. Et ce n’est que le début: d’ici à fin 2010, quand sortira le dernier épisode au cinéma, des milliards supplémentaires tomberont encore dans les escarcelles de tout ce petit monde. Un parc à thème, devisé à 325 millions de francs, devrait déjà ouvrir ses portes en 2009 en Floride. Secteur par secteur, qui gagne quoi.

LES LIBRAIRIES

325 millions d’exemplaires des tomes I à VI ont été vendus dans 200 pays. Certaines sources parlent même de 380 millions. Le septième opus devrait partir à 70 millions d’exemplaires pour cette seule année. Si l’on compte en gros 400 millions de livres à 12 fr. 50 en moyenne, cela fait 5 milliards.

Dans la librairie, les experts estiment de 50 à 65% la part de chiffre d’affaires qui revient aux éditeurs, ce qui ferait 2,5 à 3,25 milliards.

Pour les libraires eux-mêmes, l’affaire est aussi très juteuse. Douze éditeurs ont refusé le premier tome de l’auteur, avant que la petite société Bloomsbury lui offre une avance de moins de 4000 francs pour lancer le livre en juin 1997 à 1000 exemplaires en Angleterre. Peu après, le ministère écossais de la Culture lui accorde une avance de 20 000 francs pour écrire une suite. L’éditeur américain achète ensuite le premier volume pour 125 000 francs. On estime à 30% la part du chiffre d’affaires librairie qui revient aujourd’hui à l’auteure. Ce qui lui rapporte 1,5 milliard.

LE CINÉMA

Les studios de la Warner Brothers se sont assuré les droits des quatre premiers épisodes en 1999, pour acheter les trois derniers plus tard. Les quatre premiers films leur ont rapporté 6,25 milliards, sur un chiffre d’affaires total (cinéma, DVD, TV) de 9,5 milliards. Des milliers de techniciens gagnent leur vie depuis 2001 en travaillant sur les films de Harry Potter.

Certains sont même devenus très riches. Parmi eux, le metteur en scène Chris Columbus, qui a réalisé les deux premiers épisodes, a engrangé le plus: avec un salaire fixe de seulement 12,5 millions, il a encaissé, grâce à une participation de 10% au chiffre d’affaires, une somme totale de 410 millions, dont son agent a gardé 37,5 millions.

L’acteur principal, Daniel Radcliffe, a lui jusqu’ici gagné près de 108 millions (10% environ reviennent à son agent), pour un cachet de seulement 312 500 francs pour le premier épisode.

Joanne Rowling a vendu les droits des quatre premiers épisodes pour un million de livres (2,5 millions de francs) à la Warner. Elle a ensuite obtenu une participation au chiffre d’affaires qui, selon le spécialiste Jon Garon, serait de 1% sur les revenus de la Warner. Elle aurait ainsi encaissé 62,5 millions.

Pour les trois derniers films, l’écrivaine aurait obtenu au moins autant que Dan Brown pour The Da Vinci Code, c’est-à-dire 7,5 millions par épisode, soit 22,5 millions de plus. Jusqu’ici elle aurait ainsi gagné 85 millions.

LE MERCHANDISING

Plus de 400 articles officiels de Harry Potter sont disponibles à la vente, dont sept timbres de la poste anglaise. Par film, on compte des revenus globaux de 3,5 milliards, estime l’agence spécialisée dans les marques Interbrand. Cela signifie que des articles marqués de l’éclair se sont vendus jusqu’ici pour 14 milliards. Parmi les grands bénéficiaires de cette manne, le fabricant de jouets Mattel et l’éditeur de jeux vidéo Electronic Arts.

Joanne Rowling participe au chiffre d’affaires du merchandising. Le professeur Jon Garon estime qu’un auteur de ce calibre peut négocier une part de 3%. Cela ferait donc environ 400 millions.

L’auteure est représentée par l’agence britannique Christopher Little Literary Agency, qui prend entre 10 et 20% de tous ses revenus de librairie, cinéma et merchandising. Au bas mot, ce seraient donc au moins 275 millions qui tombent dans son escarcelle.

LA FACTURE FINALE

Les affaires ne sont pourtant pas finies. Le dernier épisode devrait sortir au cinéma fin 2010. D’ici là, Joanne Rowling devrait encore engranger 750 millions de droits cinéma, TV et DVD, pour 7,5 milliards aux studios Warner. En profitera surtout le réalisateur David Yates, qui travaille à la mise en scène des épisodes 5 et 6. Le merchandising, lui, devrait encore rapporter 10,5 milliards dont 300 millions à Joanne Rowling.

Au final, Harry Potter aura engendré près d’une cinquantaine de milliards.